À la retraite depuis quelques années, l’avocat montpelliérain François Roux a décidé de reprendre la robe pour défendre les militants de la CCAT en détention provisoire dans l’Hexagone. Défenseur de l’indépendance, François Roux a accompagné le FLNKS lors de l’élaboration des accords de Matignon et de Nouméa. Portrait.

À cette période de l’année, François Roux a habituellement les mains dans la terre. Des bottes de jardinage aux pieds et un chapeau sur la tête, il déterre des bulbes de tulipe dans les Cévennes, aux côtés de sa compagne. Cette semaine, le montpelliérain a décidé de troquer l’habit de jardinier pour rendosser la robe d’avocat. À la retraite, François Roux a annoncé reprendre son activité pour défendre les militants indépendantistes calédoniens incarcérés dans l’Hexagone. 

Lundi matin, sept militants de la CCAT ont atterri à Paris afin d’être incarcérés en détention provisoire dans diverses prisons. Cette décision rare faite suite à la mise en examen d’une dizaine de personnes soupçonnées d’avoir orchestré les émeutes sur le Caillou. Dès l’annonce de ce transfèrement express, d’ailleurs questionné par la présidente de la Ligue des droits de l’Homme, François Roux a déclaré contester cette décision de justice devant la Cour d’appel de Nouméa, puis devant la Cour de cassation ou la Cour européenne des droits de l’Homme si nécessaire. 

« Par fidélité à la cause indépendantiste de la Nouvelle-Calédonie », François Roux prend très vite la décision de retrouver ses fonctions. « Il m’était difficile de rester spectateur, confie le retraité. Ça fait 40 ans que je les accompagne et ils sont aujourd’hui dans une période extrêmement difficile de leur histoire. » Âgé de 73 ans, le montpelliérain a quitté les bancs des tribunaux il y a quelques années. Mais rester inactif n’est pas dans ses habitudes. « En tant qu’avocat honoraire, je conseillais chaque fois que nécessaire le FLNKS, particulièrement depuis le 3ᵉ référendum », précise François Roux, habilité à conseiller, mais non à plaider devant les tribunaux. 

Une posture insuffisante à ses yeux face à la situation actuelle. En rendossant la robe au barreau de Montpellier, François Roux entend « se lever à nouveau devant les juges, et porter la parole des accusés ». L’avocat ne sait pas encore quel détenu il sera amené à défendre puisque « l’instruction n’en est qu’à ses débuts ». Mais quelle que soit la configuration choisie par les juges – dépaysement du procès, auditions en visioconférence ou avec des juges de l’Hexagone – François Roux assure qu’il « sera aux côtés des détenus ». 

Ce rôle n’est pas nouveau. En 1988, François Roux se rend déjà régulièrement visite en prison aux militants indépendantistes incarcérés dans l’Hexagone suite à la prise d’otage de la grotte d’Ouvéa. « Je faisais le lien entre les familles et les détenus dans les prisons françaises », précise l’avocat qui a vécu la tragédie de près. Après l’amnistie, lorsque les 26 militants retrouvent leur terre, François Roux est à leurs côtés. « C’était des moments d’une très grande douleur, parce qu’ils retrouvaient les tombes de leurs amis qui étaient tombés lors de l’assaut de la grotte », retrace François Roux. 

Sa présence lors de cet évènement intime et historique n’est pas inopiné. Depuis les années 1980, le Montpelliérain s’est érigé en conseiller indispensable du FLNKS. Son premier procès pour défendre des indépendantistes a lieu de l’autre côté du Pacifique, devant la cour d’assises de Tahiti. En 1979, il collabore avec l’avocat Gustave Tehio lors de l’affaire du « commando Te Totu Tupuna » et Charlie Ching, accusés de l’assassinat de Pierre d’Anglejean-Chatillon et de l’attentat contre la poste centrale de Papeete. 

Deux ans plus tard, le secrétaire général de l’Union Calédonienne, Pierre Declercq est assassiné. Un meurtre non élucidé qui déclenche une série de mobilisations de la part des indépendantistes. Gustave Tehio est chargé de défendre les intérêts de la famille de Pierre Declercq, il fait alors appel aux services de François Roux et d’autres avocats français tels que Jean-Jacques De Felice, Michel Tubiana ou encore Alain Ottan.« On nous surnommait la division blindée de la défense, s’amuse le septuagénaire. C’est comme ça que j’ai mis le pied en Nouvelle-Calédonie. Et depuis, je n’ai plus quitté ni ce pays, ni mes frères et sœurs kanak. »

Basé à Montpellier, François Roux enchaine les aller-retours en Nouvelle-Calédonie. Il devient avocat du FLNKS et accompagne juridiquement le mouvement indépendantiste lors des procédures judiciaires de ses membres, mais également lors de la signature des accords de Matignon, puis de Nouméa. « J’ai notamment accompagné les kanaks lors des discussions sur le préambule de l’accord de Nouméa. Et concernant le préalable minier, c’est-à-dire de permettre aux Kanak de récupérer la richesse qui était sur leur sol », ajoute modestement l’avocat, qui a aussi participé à la réalisation de l’usine du Nord. 

Derrière les poignées de main des dirigeants politiques, François Roux vérifie la conformité des textes par rapport à la loi. 

Il y a l’aspect politique, mais tout ça se traduit par des accords qui ont une conséquence juridique. Mon rôle, c’est d’attirer l’attention des uns et des autres sur les conséquences de telle position, telle décision ou tel article. Comme de suggérer que ce soit constitutionnalisé.

François Roux, avocat historique du FLNKS

À l’évocation de ces épisodes historiques, François Roux songe surtout aux rencontres qu’il a pu faire en Nouvelle-Calédonie. « J’ai gardé des liens très forts avec beaucoup de frères et sœurs kanak, on noue des relations d’une très grande intensité », confie l’avocat. Mais lorsqu’il se plonge dans ses souvenirs, François Roux évoque avant tout des « moments de grande douleur ». « On n’en sort pas indemne », souffle-t-il. 

Dans sa carrière pourtant, les affaires difficiles et sensibles ne manquent pas. François Roux collabore avec l’équipe américaine chargé de la défense de Zacarias Moussaoui, seul Français condamné suite aux attentats du 11 septembre 2001. Il plaide pour défendre des personnes accusées de génocide au Rwanda, ou encore pour la défense du criminel de guerre cambodgien Kang Kek Ieu dit Douch, poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, torture et meurtre avec préméditation.

Mais pour moi, la Calédonie et la Polynésie dite française, restent les expériences les plus marquantes. J’ai noué des relations d’amitié avec ces deux territoires et je souhaite continuer à apporter toute la contribution que je peux, notamment par le droit international ou dans la défense de personnes accusées.

François Roux, avocat historique du FLNKS

Dès 2021, l’avocat a repris sa plume pour alerter le gouvernement sur la tenue du troisième référendum. « Il ne fallait pas faire ce référendum, il y a des pyromanes qui ont remis le feu là où on avait essayé que ça ne reprenne jamais, martèle l’avocat. Je ne prétends pas tout connaitre, mais ce que je prétends connaitre, c’est cette velléité d’indépendance chevillée au corps que vous ne pourrez jamais effacer. »

À l’écouter, François Roux semble n’avoir jamais réellement raccroché sa robe d’avocat. Le septuagénaire est déjà en contact avec les avocats des militants indépendantistes basés en Nouvelle-Calédonie et enchaîne les interviews pour les chaines d’information. Un nouvel emploi du temps bien chargé pour l’ancien retraité, qui ne compte pas pour autant oublier ses bulbes de tulipe : « Il n’y a pas de raison d’arrêter. Ça fait du bien, croyez-moi. »

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